D’après le roman de Nane Beauregard (éditions POL)
Et si l'Amour ne se contait qu'à travers les mots, au filtre des lèvres d'une comédienne douée d'une rare présence, et si le jeu d'une actrice parvenait à transcender un texte, une écriture, et si le plaisir qu'on y prend était incommensurable... J’aime a le remarquable pouvoir de dresser le festin jouissif du théâtre tel qu'on souhaite le rencontrer. Car il s'agit bien ici de rencontres, d'affinités, de complicité entre autrice et metteuse en scène, entre écrivaine et actrice qui ne font qu'une bouchée délicieuse d'un repas délectable du verbe, du geste, du corps.
J’aime c’est avant tout une voix. Celle d’une femme amoureuse qui tente de mettre des mots sur l’impalpable, l’insaisissable, du sentiment amoureux. Chaque mot en entraînant un autre, elle se rendra compte que Le Mot ultime pour décrire, décrypter et en fin faire le tour, et enfin savoir et comprendre ce qu’il en est de l’amour, n’existe pas. Que c’est sans doute justement cette impossibilité à le fixer, le figer qui le rend vivant et qui, sans cesse, le relance.
Magistral ! Une pièce brillante qui travaille la complexité de toute prise de parole et du silence qu’il faut forcer. J’aime joué par Laure Werckmann qui signe là sa première mise en scène. En une heure, la pièce est une leçon de dramaturgie dans l’interprétation – théâtrale comme psychanalytique – du premier roman de Nane Beauregard.
Laurent Goumarre - Libération - juillet 2023